· l'endroit ·
La sueur, le bruit des basses qui s’accélère. Le cœur qui bat vite, toujours plus vite. Les oreilles bourdonnent, les têtes se balancent. Les corps se tordent sous ce rythme effréné, c’est une union, une force commune que ces étrangers partagent. Quand les premières lueurs du jour feront leur apparition, certains rentreront chez eux. D’autres essaieront d’étirer ce moment au-delà des limites du temps.
La peur au fond, c’est le silence. Que tout s’arrête et que chacun redevienne ce qu’il était quelques heures auparavant, une fourmi dans un monde toujours plus grand. Ce moment, il nous permet d’exister. Chacun à sa façon, va raconter et vivre son histoire sous les basses profondes et mélodieuses de cet endroit dépourvu de charme, taillé brutalement dans la ville.
Le rendez-vous des marginaux, ceux qui cherchent autre chose. Ou au contraire qui ne cherchent rien. Ceux qui veulent se vider la tête, prendre une claque si violente qu’ils s’en souviendront longtemps. Laisser son corps s’exprimer dans cette foule, déverser la rage, la joie ou la tristesse qui prennent toujours plus de place à l’intérieur.
Les corps se frôlent et les souffles s’accélèrent. Dans cette torpeur, certains s’aiment et se mélangent. La nuit les protège mais elle n’est pas éternelle, et le jour ramènera tôt ou tard brutalement à la réalité ces individus, tous différents, mais au fond si semblables…
L’air est lourd, les yeux grands ouverts. Pour rendre encore plus douce cette nuit d’escapade, il faut parfois être accompagné de quelques gouttes de bonheur. Une illusion servant d’échappatoire à n’importe quel souci. Ces quelques paillettes seront la cause d’une immense joie suivie d’un néant angoissant et trouble. Une caresse envoûtante qui vous enveloppe et vous emmène si haut que la chute peut être fatale.
Le soleil se lève et brûle les corps. En cette belle matinée d’été, deux regards se croisent. La douceur présente forme un halo de bien-être au milieu de cette foule déchaînée. Ils ne sont que deux et plus rien ne compte. Leurs lèvres se frôlent dangereusement sans se trouver, attisant le désir prudemment lové dans le creux de leurs ventres. Il suffit d’un geste pour que tout dérape. Le temps s’arrête et fige cet instant à tout jamais.
insouciance
© Lea Doumerc