· le refuge ·

Illustration by @rion.illustration

Il existe chez moi un endroit qui respire la volupté, teinté de couleurs tendres et indécises ; des halos de lumières roses et bleues s’entremêlent et se reflètent dans cet antre où mon âme aime se réfugier après quelconque orage. Cet immense espace ne possède ni murs, ni portes : il offre une vue imprenable sur un champ parsemé d’une multitude de fleurs colorées, jouissant d’un espace infini, où leurs pétales virevoltent au bon vouloir du vent.

De cette atmosphère feutrée émane un parfum fleuri qui embaume mes sens et les ensorcèle ; une apaisante mélodie silencieuse vient quant à elle continuellement caresser mes oreilles pour ensuite s’évaporer mystérieusement dans l’air.

Ce lieu est propice au repos le plus absolu, aussi bien psychologique que physique ; je ne compte plus les fois où je me suis assoupie d’aisance, comme aspirée par un nuage de coton qui habille de bienveillance tous ceux qu’il entoure.

Un jour, alors que je revenais d’une escapade des plus plaisantes, un ami me demanda où j’étais passée, et pourquoi semblais-je enveloppée d’une telle sérénité de corps et d’esprit.

Je lui répondis que je m’étais rendue là où les pensées divaguent à leur aise, sans craindre les interdits et les secrets ; là où l’imagination se débride et galope si vite qu’elle semble parfois s’envoler dans l’azur du ciel ; là où le corps se relâche et plonge dans une étendue de velours.

Intrigué et émerveillé, mon cher ami m’interrogea sur le moyen de rejoindre lui aussi ce jardin d’éden ; il souhaitait plus que tout autre bénéficier des mille et un délices émanant de ce paradis terrestre.

Amusée, je le questionnai à mon tour : pourquoi était-il persuadé que cette bulle de bonheur se trouvait sur terre ?

Il me dit avec mépris qu’il était scientifiquement impossible que j’aie réussi à m’échapper de la surface du globe ; que tout le monde savait cela, et que j’étais bien ridicule à lui faire des mystères par égoïsme, gardant jalousement mon cocon sacré.

Alors qu’il commençait à énumérer un à un les endroits paradisiaques connus de tous, je ris et insistai : n’avait-il pas, lui aussi, accès à un trésor joliment gardé apaisant ses maux les plus profonds ? 

Troublé, il hésita puis acquiesça doucement, honteux de sa propre confusion. L’idée semblait enfin prendre forme dans sa conscience.

Je terminai donc cette discussion en lui exposant l’essence même de ma pensée : “Cette place, mon cher ami, existe bel et bien. C’est une place où l’esprit se recueille, là où le corps se ressource. Un coin libéré de toutes contraintes hormis celles que l’on s’impose à soi-même. Un espace précieux n’obéissant à aucune règle temporelle et à aucune loi. Une échappatoire personnelle, introuvable par les autres mais pourtant accessible par chacun d’entre nous ; la fontaine frémissante de l’âme et les tréfonds du cœur.”

Text by @lea_doom

*Baudelaire